Résumé : Eléonore (ou Eleanor) Marx, fille cadette de Karl Marx, est née à Londres en 1855, l'année où Marx perdit son fils adoré, Edgar. Très proche de son père, Eléonore devint tôt sa secrétaire et, après la mort de Karl Marx en 1882, son exécutrice testamentaire. Cette pièce inédite de Jorge Semprún lui est dédiée. L'auteur se concentre sur les derniers jours d'Eléonore dans son appartement londonien, mais inclut également des monologues de la jeune Eléonore, des citations de lettres et des témoignages anachroniques d'amis de la famille Marx, qui déconstruisent de manière ludique la chronologie dramatique. Il fait ainsi le portrait d'une femme contradictoire, à la fois forte et fragile, prise au piège dans un filet d'événements dont les mailles se resserrent. Se projetant dans le rôle du fils que Karl Marx a perdu, Eléonore renonça, en raison du veto du père, à son grand amour de jeunesse, le communard Prosper-Olivier Lissagaray. Si Karl Marx, en tant qu'homme politique, était un révolutionnaire en avance sur son temps, l'homme privé était conventionnel, ancré dans le code moral bourgeois de l'époque, ne permettant pas à sa fille de vivre avec un homme qu'il estimait peu convenable pour elle. Eléonore laissa également derrière elle ses rêves d'indépendance personnelle et financière à travers une carrière de comédienne. Après la mort de Karl Marx, elle se lia à Edward Aveling, scientifique de formation, passionné de théâtre et converti au socialisme ; mais la vie commune s'avéra difficile. Aveling profita de l'argent que sa compagne avait hérité de Friedrich Engels, il la trompa et finit par épouser en cachette une jeune actrice. Cette dernière trahison fut insupportable pour Eléonore. Le 31 mars 1898, elle se suicida. Le même jour, son neveu l'interroge sur le siècle à venir. Avant de quitter la scène pour avaler un mélange de chloroforme et d'acide prussique, Eléonore Marx répond que, pour elle, le XXe siècle sera celui de l'émancipation des femmes et des Juifs.